Le dessin ci-dessus montre le centre de la communauté catholique d'Ottawa en 1855. De gauche à droite: le couvent et l'hôpital des Soeurs grises, le Collège St-Joseph (le berceau de l'Université d'Ottawa), la cathédrale et la résidence épiscopale. La cathédrale n'a pas encore d'abside et sur le dessin elle est ornée de clochers qui n'existaient pas encore. Érigés trois ans plus tard (1858), ils ne ressemblent pas à ceux du dessin.
1. Les débuts
1826: Bytown
En septembre 1826, le gouvernement britannique, dans le but de défendre sa colonie contre son seul ennemi, les États-Unis, qui avait envahi le Canada à deux reprises, soit en 1775 et en 1812, veut établir une nouvelle ligne de communication entre Montréal et Kingston et remplacer la ligne existante, exposée aux attaques le long du fleuve Saint-Laurent. On suggère à cette fin, l'aménagement des rivières Outaouais, Rideau et Cataracoui. Ce projet nécessite la construction d'un canal avec écluses pour passer d'une rivière à l'autre: c'est l'idée du canal Rideau qui, par la suite, est à l'origine de la fondation d'Ottawa. Cette construction, sous la direction du Colonel John By dure de 1826 à 1832. Elle attire, dans la région immédiate, plus de deux mille travailleurs et de nombreux commerçants. En moins d'un an, à l'entrée au canal (image ci-dessus), se trouve un noyau d'habitations qui prend le nom de «Bytown».
1827: Missionaires itinérants et la chapelle en bois
Dès 1827, un missionnaire, l'abbé Patrick Haran, célèbre la messe dans des maisons privées. Le 7 septembre 1828, un comité étudie les possibilités d'ériger une église pour accommoder l'élément catholique. Une demande est adressée au Colonel By pour l'obtention d'un terrain sur lequel une église, un presbytère et une école pourraient être construits. La demande est acceptée et un terrain est accordé dans la haute-ville à l'ouest du canal mais cette église ne sera jamais construite car la majorité de la population catholique demeure dans la basse-ville à l'est du canal, et ils n'acceptent pas que l'église soit si éloignée. Le 4 octobre 1929, le missionnaire responsable, l'abbé Angus McDonell, adresse une nouvelle demande pour obtenir un emplacement dans la basse-ville. Le 1er mai 1831, un nouveau terrain est concédé pour un prix nominal et, en 1832, une petite chapelle en bois, dédiée à Saint Jacques, est érigée. La première messe y est célébrée au cours de l'été 1832 par l'abbé Murty Lalor. Un clocher est ajouté en 1833, et, pour répondre à l'accroissement du nombre de paroissiens, des tribunes sont ajoutées en 1836 par le menuisier Pierre Desloges.
2. La construction d'une église de pierre
1839: Le projet
En 1839, le curé Jean-François Cannon et ses marguillers projettent la construction d'une église de pierre pour remplacer la chapelle de bois qui menace ruine. D'après ce projet, le plan de la nouvelle église devait être copié sur celui de l'église St. Patrick, de Québec, construite en 1831 d'après les plans de l'architecte Thomas Baillargé. En réalité, les deux édifices sont très différents. L'édifice proposé sera de plan rectangulaire, sans transept et terminée avec un rond-point et mesurera 27,4 mètres (90 pieds) de longueur -- soit la moitié de la longueur de la cathédrale actuelle -- par 21,3 mètres (70 pieds) de largeur et 12,2 mètres (40 pieds) de hauteur. De plus, il possédera une nef centrale et deux nefs latérales surmontées de tribunes, une façade de style néo-classique avec deux tours carrées. L'édifice sera construit autour de la vieille chapelle de bois. La construction est autorisée par Mgr. Rémi Gaulin, évêque de Kingston, au cours de l'été 1840.
1841: La construction commence
Le contrat pour la maçonnerie est accordé le 11 février 1841 à Antoine Robillard. Le 25 octobre de la même année, la pierre angulaire est bénite par Mgr. Charles de Forbin-Janson, de Nancy et Toul (France) alors en visite au Canada.
Le fait que la construction se déroule autour de la chapelle de bois devint si embarrassant pour les ouvriers et le constructeur que le comité de construction recommande, le 20 mars 1842, que la chapelle de bois soit transportée sur un terrain de l'autre côté de la rue et ce, au plus tard pour le 1er juin. Le contrat à cet effet est signé le 9 mai avec John Perkins pour la somme de 100 louis. Déménagée de l'autre côté de la rue en 1842, la chapelle est détruite par le feu quatre ans plus tard.
1843: Révision du plan initial: une église plus grande
Après le départ de l'abbé Cannon le 4 juin 1842, des missionnaires se succèdent et ce n'est que le 22 novembre que l'abbé Patrick Phelan prend charge de la paroisse. Sitôt installé, le curé Phelan considère que l'église de pierre en voie de construction ne pourra répondre adéquatement à l'accroissement rapide de la population. Il fait venir, de Montréal, le jésuite Félix Martin reconnu pour son éloquence et sa compétence en architecture religieuse. Toutefois, sa contribution se limite à réviser le plan initial de façon à donner à l'église une longueur totale de 42,4 mètres (139 pieds) et de donner à l'édifice un plan au sol strictement rectangulaire, sans abside ni sacristie adjacente. La nouvelle église, de 21,3 mètres (70 pieds) de largeur et 38,1 mètres (125 pieds) de longueur, correspond à la la nef actuelle de la cathédrale.
Entre temps, le curé Phelan est nommé évêque coadjuteur de Kingston le 20 février 1843 et sera sacré le 20 août suivant. Le 2 juin 1843, il fait approuver le projet par les marguillers.
1844: L'arrivée des Oblats
Avec le départ du curé Phelan, Mgr. Ignace Bourget, évêque de Montréal, décide d'apporter un changement majeur dans les destinées de Bytown. Dans son esprit, la vallée de l'Outaouais devait être, avant longtemps, être érigée en diocèse et Bytown, comme future paroisse mère, ne pouvait plus se suffire de missionnaires de passage. Il devait lui assurer une administration stable que seule une communauté de religieux pouvait assurer et à qui on concéderait des droits et des privilèges semblables à ceux dont jouissaient déjà les Sulpiciens de Montréal. Il fit alors appel aux Oblats de Marie-Immaculée qui venaient de débarquer à Montréal. Le Père Adrien Telmon est nommé curé et, lorsqu'il arrive à Bytown à la fin de janvier 1844, les travaux de construction sont alors suspendus faute de ressources financières. En avril 1845, une nouvelle campagne de financement est lancée et la réussite fut si grande que les travaux purent reprendre le 24 mai 1845 et, le 25 juillet suivant, les murs ont enfin atteint leur hauteur.
1845: Nouvelle révision: une église gothique
Au cours de 1845, le Père Telmon juge que les plans initiaux n'avaient pas de « sens commun » et qu'il lui fallait les refaire. Il décide de transformer l'église, alors en construction, en faveur du style néo-gothique. Il en résulte qu'au niveau du sol, les portes sont néo-classiques, mais que, plus haut, les fenêtres sont néo-gothiques.
1846: Parachèvement des murs et de la toiture
Le contrat de menuiserie pour la charpente du toit est signé le 11 juillet 1845 avec l'entrepreneur Rolland Carrer. Interrompus durant l'hiver, les travaux reprennent au printemps 1846. Le 7 mai 1846, un contrat est signé avec l'entrepreneur Antoine Robillard pour achever le travail de maçonnerie de la façade lequel devra être terminé le 30 juillet 1847. Deux autres contrats, signés le 14 mai avec l'entrepreneur Alex McIntosh et le 10 juillet avec Joseph Charlebois, permettent de terminer les travaux de la toiture.
Après deux modifications au plan initial, les murs et la toiture sont complétés, cinq ans après le début des travaux. L'église est bénite, le 15 août 1846, par Mgr. Patrick Phelan, évêque de Kingston. L'église est dédiée à Marie sous le vocable de l'Assomption.
3. L'ère du curé Dandurand: une cathédrale à parachever
1847: L'église devient cathédrale
Le 27 mai 1847, le pape Pie IX annonce la création du diocèse de Bytown et la nomination du père oblat Joseph-Eugène-Bruno Guigues (1847-1874) comme premier évêque (image à droite). Le bref d'érection est daté du 25 juin 1847. Le 9 juillet suivant, un second bref confirmait la nomination du Père Guigues comme premier évêque du diocèse. Il sera sacré le 30 juillet 1848. L'église de mission doit se métamorphoser prématurément en cathédrale: elle est encore inachevée puisque ses deux tours ne s'élèvent qu'à la hauteur de la toiture et, à l'intérieur tout reste à faire. En 1848, le Père Damase Dandurand devient curé, il restera en poste pendant près de 30 ans.
Au début de son mandat, Mgr. Guigues a d'autres priorités que le parachèvement de la cathédrale: école, hôpital, orphelinat et aussi le manque de ressources financières. Le curé Dandurand reprend lentement les travaux de parachèvement à commencer par des corrections au niveau des fenêtres latérales afin de transformer les deux rangées de fenêtres pour en faire de hautes fenêtres gothiques, du revêtement de la voûte et des murs. Les travaux d'intérieur étant jugés suffisamment avancés, Mgr. Guigues décide de faire consacrer sa cathédrale par Mgr. Cajetan Bedini, nonce apostolique au Brésil et de passage au Canada, le 4 septembre 1853. La dédicace officielle se fait sous le titre de l'Immaculée-Conception.
1855-57: Bytown devient Ottawa. Ottawa capitale du Canada
Le 1er janvier 1855, Bytown obtient sa charte de cité et, par la même occasion, prend le nom d'Ottawa. Cinq ans plus tard, le diocèse de Bytown prend officiellement le nom de diocèse d'Ottawa le 14 juin 1860. Le 31 décembre 1857, la ville est choisie comme capitale du pays par la reine Victoria.
1858: Les clochers
En octobre 1858, le curé Dandurand complète la façade de la cathédrale en faisant élever les deux clochers à lanternes ajourées dont il a lui-même tracé les plans.
1862: L'abside
Après ces travaux, le curé Dandurand laisse s'écouler quelques années avant d'entreprendre, en 1862, son troisième et dernier projet d'envergure: la construction d'une abside de style gothique, abside qui devait parachever l'architecture extérieure de la cathédrale et rendre possible par la suite, à l'intérieur, la réalisation du plus majestueux décor. Alors que le diocèse est aux prises avec de lourdes difficultés financières et que l'évêque remet toujours à plus tard la reprise des travaux, le curé Dandurand profite, à l'été 1862, de l'absence de Mgr. Guigues en Europe pour faire abattre la grande muraille du fond de l'église et trace, à l'aide de l'architecte Victor Bourgeau, de Montréal, le plan d'un magnifique choeur et d'un sanctuaire de 19,2 mètres (63 pieds) de long par 12,2 mètres (40 pieds) de large pouvant bien se prêter aux cérémonies épiscopales. Il profite aussi de l'occasion pour faire creuser une crypte sous l'abside. Cet agrandissement portait l'intérieur de l'église à une longueur totale de 55,8 mètres (183 pieds). Les travaux sont confiés à A. Rocque pour la maçonnerie, Jacob Fink pour le plâtrage et à William McKay pour la décoration.
1866: La statue de la Vierge
Devant la dette qui avait atteint un nouveau sommet, Mgr. Guigues, le 8 mai 1965, met fin, d'autorité, à tous les travaux et il maintiendra cette décision jusqu'à sa mort, le 8 février 1874. La seule exception est l'installation, au faîte du mur de la façade, le 7 septembre 1866, de la statue de la Vierge, exécutée par un artiste espagnol du nom de Cardona. Cette statue de bois, haute de 3 mètres (10 pieds), est recouverte de feuilles d'or.
4. L'ére du Chanoine Bouillon: la décoration intérieure de la cathédrale
1874: Le départ des Oblats
Suite au décès de Mgr Guigues et à la nomination, le 1er septembre 1874, du deuxième évêque d'Ottawa (image à gauche), Mgr. Joseph-Thomas Duhamel (1874-1909), la cure passe alors au clergé séculier et le Père Dandurand quitte Ottawa le 16 mai 1875. Il est remplacé par l'abbé Georges Bouillon, ce prêtre-architecte qui réalisera la décoration intérieure de la cathédrale.
1877: Les tribunes et la chapelle funéraire
La première intervention notable du curé Bouillon dans l'aménagement de la cathédrale date de 1877 où il est appelé à modifier les plans des tribunes, préparés par l'architecte George Bowes, de façon à permettre une meilleure vision vers le sanctuaire et la nef. Il réalise ensuite les plans de la chapelle funéraire, construite en 1877-8, dans la crypte à la mémoire de Mgr. Guigues.
1878-90: L'ornementation intérieure
Ces travaux ont suffi pour que le nouvel évêque lui donne, en 1878, carte blanche pour réaliser le parachèvement de la cathédrale qu'il voulait être digne de la capitale nationale. Une certaine prospérité contribue à l'essor que prend le diocèse. Les années de grande disette qu'avaient traversées les missionnaires oblats avaient pris fin. La ville d'Ottawa, avec ses nouveaux fonctionnaires, n'avait cessé de se développer et la population catholique, de s'accroître proportionnellement.
Grâce à ce nouveau contexte, la construction de la cathédrale parvient à connaître finalement son heure de gloire au cours du dernier quart du XIXe siècle. Pour réaliser l'ensemble ornemental du sanctuaire et de la nef, qu'il a conçu lui-même, le curé Bouillon fait appel, entre 1878 et 1885, à toute une équipe d'artisans et d'ornementistes/ébénistes/menuisiers/sculpteurs canadiens-français, tels Flavien Rochon, Philippe Pariseau, Olindo Gratton et Philippe Hébert. La plupart d'entre eux travaillaient à l'ornementation du Parlement d'Ottawa: ils étaient sur place et liés à la paroisse, ou étaient des fervents admirateurs de Boullion.
Durant cette dizaine d'années, ces artistes produisent les deux autels latéraux, le maître-autel avec son magnifique retable d'une hauteur de 16 mètres (52 pieds), les stalles du choeur ainsi que les quelque 80 sculptures qui ornent le sanctuaire. Les rénovations et l’ornementation sont complétées en 1890.
1879: Les premiers vitraux
Les premiers vitraux sont installés dans la cathédrale en 1879. Réalisés par le maître-verrier anglais Harwood, ils sont composés de motifs géométriques peints en grisaille et rehaussés de légères touches de couleurs vives.
1879: Une basilique
Le 19 août 1879, la cathédrale est élevée au rang de basilique mineure par le pape Léon XIII.
1886: L'archidiocèse d'Ottawa
Le 8 juin 1886, la province ecclésiastique de Québec est subdivisée et Ottawa devient siège métropolitain. Mgr. Duhamel devient le premier archevêque d'Ottawa.
5. Le XXe siècle
1933: La sacristie
La vaste sacristie actuelle est construite en 1933.
1944: Carillon
Un carillon de cinq cloches est installé dans les clochers en 1944.
1956: Les nouveaux vitraux
De 1956 à 1961, les vitraux de 1879 sont remplacés en grande partie par une série de 17 vitraux historiés, créés par le célèbre artiste Guido Nincheri, de Montréal, illustrant la vie du Christ et de la Vierge Marie.
1965: Le renouveau liturgique
Afin de répondre aux nouvelles exigences liturgiques, un autel de célébration est installé, en 1965, près de l'entrée du sanctuaire. La cuve de l'ancienne chaire devient un ambon placé dans le sanctuaire.
1978: Monument d'intérêt historique
En 1978, la Commission de la capitale nationale et la Ville d’Ottawa reconnaissaient officiellement la cathédrale Monument d’intérêt historique.
1990: Lieu historique national
En 1990, le gouvernement du Canada déclarait la cathédrale Lieu historique national.
1999: Restauration
En 1999, la cathédrale est fermée pendant un an en raison d'importants travaux de restauration. Plus d'une centaine de personnes, aussi bien des ouvriers, des ingénieurs des experts en conservation que des architectes, allaient alors travailler sans relâche pour redonner à lédifice sa splendeur d'origine. Les clochers furent remplacés et construits d'acier inoxydable.
6. Le XXIe siècle
2010: Le toit
Le toit est construit du même produit que les clochers, soit en acier inoxydable. La garantie s'étend sur cinquante ans, et pourrait même s'étendre jusqu'à cent ans si on en prend bien soin.
2018: L'autel
Le 2 février 2018 à 19h30, en la fête de la Présentation du Seigneur au temple, Mgr Terrence Prendergast, s.j., a présidé la messe de dédicace du nouvel autel. Depuis plus d'un an, Mgr Daniel Berniquez, recteur de la cathédrale, avait présidé un comité de réflexion et de consultation au sujet de l'aménagement du nouvel autel. Ce comité s'est prévalu des conseils de firmes d'experts plus particulièrement du cabinet de M. Maxime Brault, architecte.